Le théologien assomptionniste Bruno Chenu (1942-2003) était fasciné par le
peuple noir américain. Au cours de plusieurs séjours aux États-Unis, il étudia
la « théologie noire », inconnue en Europe. Le P. Jean-Paul Sagadou, religieux
assomptionniste burkinabé, retrace son parcours intellectuel et spirituel.
Bruno Chenu à la «rencontre» des
Noirs américains.
Dans son testament spirituel du 3
juin 2001, Bruno Chenu écrivait : «Tant mieux si les livres que je laisse dans
ma bibliothèque peuvent servir à d'autres, notamment pour ce qui concerne les
Noirs américains et les théologies du Sud». On connaît les autres chantiers sur
lesquels Bruno Chenu s'est investi : l'œcuménisme, l'ecclésiologie etc. Mais on
peut vraiment dire que sa grande passion fut la passion des Noirs américains.
Dans le mot «passion» il y a «passio» qui veut dire «souffrance», mais en même
temps, les philosophes nous ont appris que rien de grand dans le monde ne s'est
fait sans passion. Dans un certain sens, Bruno Chenu a éprouvé lui-même la
souffrance dans la rencontre de la souffrance des Noirs américains, et on peut
prendre ici le mot «passion», dans un sens philosophique, comme un état
intellectuel puissant, qui par l'intensité de ses effets, touche la vie de
l'esprit et l'affection de la personne ou, l'inverse est aussi possible, un
état d'affection ou d'émotion tellement fort qu'il imprime la vie de l'esprit.
Les deux s'articulent chez Bruno Chenu, au moins pour ce qui concerne son
rapport avec les Noirs américains.
Passion pour les Noirs. On peut
noter que dans l'ensemble, Bruno Chenu aura écrit tout seul 13 livres (Dieu
et l'homme souffrant y compris), cinq livres en collaboration et quatre
livres de Présentation de choix de textes. Parmi les 13 livres qu'il a écrit
tout seul, 3 sont essentiellement consacrés aux Noirs américains, et dans
presque tous les autres, y compris ceux écrits en collaboration, on trouve
toujours les traces de cette passion de Bruno pour les Noirs. Son tout premier
livre, après la publication de sa thèse (1972), est consacré à L'Histoire, à
la religion et à la théologie des Noirs Américains (1977). Ensuite vont
suivre Le Christ noir américain (1984) et Le Grand livre des Negro
Spirituals (2000). D'où lui vient cette passion pour les Noirs américains ?
Le point de départ d'une «passion
noire»
Dans les années 1970, alors qu'il
préparait sa thèse de doctorat sur «La signification ecclésiologique du Conseil
œcuménique des Églises (COE)» (1945-1963), Bruno Chenu a cherché à ouvrir son
esprit en allant à l'étranger. Il voulait aussi améliorer son anglais et
l'Angleterre ne l'attirait pas trop. Avec l'accord de ses supérieurs, il trouve
une bourse par le biais du COE, et il s'embarque pour les États-Unis. Il
passera l'année académique 1970-1971 au pays de Martin Luther King. Là, il
s'inscrit dans un séminaire protestant américain où il suit un cours sur la
religion noire et la théologie noire. Dans ce séminaire, chaque étudiant devait
présenter une dissertation théologique. Or, le livre de James Cone, l'un des
plus grands représentants de la théologie noire, venait de paraître et
s’intitulait La noirceur de Dieu. Bruno décide alors de rédiger sa
dissertation à partir de ce livre et à son travail, il donne avec humour (noir
?) le titre suivant : «Lecture blanche d'une théologie noire».
Bruno Chenu fut touché par le cri
de la condition humaine et religieuse qu'il découvre pendant ses séjours aux
États-Unis. La justesse de son intuition est qu'il s'agit bien des Noirs et
qu'il n'est pas possible de ne pas rendre compte de ce qu'ils ont vécu. Revenu
en France à la fin en 1971, il s'aperçoit que personne n'avait entendu parler
de «théologie noire». À la faculté de Lyon où il enseigne, Bruno programme un
cours pour l'année 75-76 sur les Noirs américains. Ses recherches aboutissent à
la publication en 1977 du livre Dieu est noir. Que signifie le qualificatif
«noire» que Bruno Chenu applique à la théologie ? À l'évidence, le fait d'être
noir est d'abord un trait physiologique. La couleur de la peau renvoie
immédiatement à une histoire, à une culture, à une condition. Pour ce qui est
des Noirs américains, cette histoire va être marquée par la souffrance et par
l'humiliation. Quand Bruno parle donc de théologie noire, il parle de cette
théologie formulée par les Noirs au creux de leur expérience, de leur
souffrance, de leur espérance, de leur libération.
A la page 290-291 de son livre
Dieu est noir, il écrit, comme pour expliquer le choix du titre :
«Pour toute la culture occidentale, le blanc évoque la pureté et la grâce, le
noir est immédiatement synonyme de souillure et de péché. (…) La perspective biblique
n'a pas peu contribué à cette symbolique (…) : le blanc et le noir s'opposent
comme le Christ s'oppose à Satan, comme le spirituel s'oppose au charnel, comme
le bien s'oppose au mal. Le salut pascal n'est-il pas de passer des ténèbres à
la lumière ? Tout combat spirituel doit illuminer et 'blanchir' le croyant. (…)
Cette symbolique dominante a eu des conséquences psychologiques catastrophiques
pour le Noir. Elle l'ancrait dans un complexe d'infériorité et dans un
sentiment de culpabilité. Aussi, la théologie noire renverse les termes et fait
du 'noir' le symbole du bien et du 'blanc' le symbole du mal. Cette opération
ne traduit pas simplement un désir de revanche mais veut exprimer les méfaits
historiques de l'homme blanc que tout honnête homme peut aisément constater. Si
la 'blancheur' symbolise quelque chose au niveau de l'histoire réelle, c'est
bien l'exploitation et le racisme. Il reste donc aux Blancs à se convertir à la
négritude, c'est-à-dire à la souffrance de Dieu dans la vie du monde» (3).
Bruno Chenu et les «lieux» de la
souffrance des Noirs : l'esclavage et le racisme
«À l'origine de la présence noire
aux États-unis, écrit Bruno Chenu, il y a bien sûr l'épreuve terrible de la
traite des esclaves qui demeure un traumatisme profond dans la conscience des
gens de couleurs» (5). Dans ce commerce humain si profitable, «Portugais et
Français, Anglais et Hollandais allaient énergiquement se concurrencer, durant
près de trois siècles, sans distinction de religions ou de régimes politiques,
les pieux catholiques comme les austères protestants, les citoyens de
l'Angleterre et de la Hollande si épris de libertés civiques comme les sujets
soumis des monarchies absolues» (Marguerite Yourcenar).
Je ne vais pas refaire l'histoire
de l'esclavage. Je veux souligner seulement que pour Bruno Chenu, au point de
départ de cette souffrance noire, il y a le racisme exprimé d'abord sous la
forme de l'esclavage. Tout le monde a entendu parler de cette fameuse traite
des esclaves à partir du XVIe siècle. Des millions de Noirs ont été
arrachés à leur terre natale, transportés aux Amériques dans les pires
conditions et vendus comme du bétail pour l'essor des colonies du Nouveau
Monde. «Le racisme a d'abord été l'idéologie nécessaire à justifier l'esclavage
et le pouvoir des maîtres blancs sur tout être humain» (6). Au XIXe
siècle l'infériorisation des autres « races » (indienne, noire) sera
étayée par la biologie et la théologie. Dans L'Église au cœur, Bruno
Chenu parlera, à cet effet, de la prostitution de l'Église et de la théologie
(p. 93), puisque les hommes ont cherché à justifier le racisme et l'esclavage
par des références bibliques : Gn 9, 18-27, la malédiction de Canaan, Lv
25,44-46, Ex 20, 3-17, Lc 7,2-10 (guérison de l'esclave du centurion).
Le racisme se fraye un chemin. La
discrimination dans le temple du Seigneur devient insupportable à beaucoup.
L'instrumentalisation de la religion sert aux « maîtres » pour renforcer les
liens de subordination des Noirs. Par exemple, certains maîtres autorisaient
leurs esclaves à aller le dimanche à l'Église du village. Les Noirs étaient au
fond, les Blancs devant. Les Noirs vivaient la même célébration, ils écoutaient
la même Parole, mais il y avait quand même une prédication spéciale pour les
Noirs, où l'on répétait à tout bout de champ la parole de saint Paul :
«Esclaves, soyez soumis à vos maîtres.»
C'est à partir de là que va
s'élaborer la conception noire de la souffrance. Celle-ci va surtout s'exprimer
dans les chants des Noirs que nous appelons communément les Negro Spirituals.
La souffrance dans la tradition
religieuse noire/ Dans les Negro Spirituals
La conception religieuse noire de
la souffrance s'est élaborée dans un contexte de lutte contre l'esclavage et
l'oppression. Que l'on parle des Spirituals ou du Blues, des prières et des
sermons des prédicateurs noirs, ou des contes traditionnels, les Noirs n'ont
pas réfléchi sur la souffrance indépendamment de la vie, mais à partir de leur
engagement, c'est-à-dire de leur lutte pour affirmer leur dignité humaine
malgré les conditions déshumanisantes de l'esclavage et de l'oppression. C'est
pourquoi, pour comprendre le mouvement dynamique de la pensée noire sur la
souffrance noire à mesure que le peuple noir essayait de trouver un sens à sa
vie, il est nécessaire d'avoir présent à l'esprit la vie sociale et politique
d'où est née la pensée noire. Celle-ci représente la réponse d'une population
africaine à sa situation d'esclavage en Amérique du Nord.
En 1978, dans la revue Lumière
et Vie, Bruno note : «Si nous voulons comprendre comment un peuple peut
exprimer la totalité de sa démarche humaine dans une expression musicale
religieuse, il faut nous mettre à l'école de la communauté noire américaine.
Parce qu'il porte trace de toutes les blessures et de tous les rêves de la
collectivité, le Spiritual atteste les trois grands chemins d'humanisation qui
ont mobilisé les esclaves de la chrétienté occidentale. Mieux encore, quand on
s'est laissé prendre par lui, le chant réalise ces chemins, il opère le
déplacement de la communauté du côté de la liberté, de la rencontre et de la
foi. Quand Dieu est à vos côtés, la vie n'est plus tout à fait ce qu'elle
était» (7).
Les
Negro-spirituals ne sont pas des chants de désespoir. «Ces chants expriment une
foi vécue dans un contexte terrible d'exploitation et de négation humaine. Mais
ils révèlent aussi la découverte d'une espérance donnée par un Dieu qui promet
la libération à son peuple» (8). Les personnages bibliques les plus cités dans
les Negro Spirituals sont Moïse, Daniel, Ezéchiel, David et Goliath, Samson. Ceux
qui, dans la Bible, dénoncent des situations d'injustice ou d'oppression et
préconisent une délivrance prochaine du peuple.
Bruno Chenu voit dans les chants
des Noirs «une lave brûlante sortie des entrailles de femmes et d'hommes
opprimés». Ces chants sont, à ses yeux, des «joyaux de la piété noire». «Ils
constituent d'extraordinaires affirmations du salut et de l'humanité noire au
sein des frustrations d'un monde implacable. Ils sont la réponse, tantôt
inquiète, tantôt confiante, d'une communauté croyante écrasée, à sa situation
d'oppression».
Pendant plus d'un siècle l'espoir
d'émancipation des esclaves noirs américains va résonner dans les Negro
Spirituals, chants de libération inspirés de l'Ancien Testament, où se mêlent
détresse, révolte et courage.
Dans un livre paru en 1966,
Marguerite Yourcenar avait déjà attiré l'attention du lecteur francophone sur
le contenu des Negro Spirituals. Elle relevait que dans ces chants, «pour la
première fois, le poète afro-américain avait réussi à exprimer, avec une
intensité et une simplicité admirables, ses rêves et ceux de sa race, sa
résignation, et plus secrètement sa révolte, ses profondes douleurs et ses
simples joies, son obsession de la mort et son sens de Dieu» (9).
Bruno Chenu se situe donc à «un
haut-lieu d'humanité et d'anthropologie pour laisser retentir une parole
multiple sur la condition humaine» (12). Dans L'Église au cœur, il
souhaitait que l'Église soit «la sentinelle de Dieu pour les nations» (p.18).
Il me semble que c'est ce que lui-même a essayé d'incarner en se faisant la
voix des sans voix.
Bruno Chenu : la voix des sans
voix (voie)
Ce n'est pas par goût d'exotisme
que Bruno Chenu s'est consacré pendant de longues années à l'étude des Noirs
américains. Il a voulu être la voix des sans voix, parce que pour lui,
reprenant des mots de Dom Helder Camara, «la voix des opprimés est la voix de
Dieu» (L'Église au cœur, p. 132). Dans l'introduction au Grand livre
des Negro Spirituals, il écrit : «J'ai voulu donner la priorité à la parole
des esclaves, ou des anciens esclaves. Certes, cette parole s'est souvent
perdue dans les ténèbres de l'histoire et n'a pas laissé de trace repérable (…)
C'est la parole de l'esclave d'abord qui retentira dans ce livre», la parole de
«ceux qui ont été considérés comme les moindres d'entre les humains» (13).
L'esclave s'éprouve «comme un
enfant sans mère, tout seul, tout seul, avec sa peine amère».
Quand on considère tout le travail
que Bruno Chenu a réalisé sur les Noirs américains, on peut dire qu'il les a
fait sortir de leur «solitude». Il a été la voix des Noirs dans le monde
francophone pour faire connaître leur souffrance et la force spirituelle qui en
a résulté. Peut-être que pour parler comme les théologiens, il y a quelque
chose de l'ordre d'une théologie de la Croix qui s'exprime, en creux, dans la
pensée de Bruno Chenu. Une théologie du point de vue des opprimés.
Une théologie de la Croix
En effet, tous les lieux qui ont
façonné la réflexion théologique de Bruno Chenu sont des lieux marginaux, les
théologies du Sud, les peuples noirs etc. Son expérience de l'Église, c'est
l'expérience des multiples visages de l'Église, et l'Église pour lui, c'est
avant tout les plus simples, les plus pauvres. Par l'Église, les plus humbles
se sentent reconnus. Par l'Église, la Parole de Dieu retentit comme la
justification de toutes les religions.
Pour les esclaves
noirs américains, on peut dire que la véritable raison de leur conversion est
liée au fait que la religion africaine ne rendait pas compte de leur souffrance
alors que le christianisme l'intégrait. Des siècles après, leur souffrance
trouvait sens dans la Passion du Christ. Elle n'est pas simplement doloriste
mais traduction d'une espérance : Dieu n'a pas laissé au tombeau son fils
Jésus.
Bruno invite donc l'Église,
c'est-à-dire chacun de nous, à fixer le regard sur le Christ, le Serviteur
souffrant.
Pister la présence du serviteur
souffrant.
J'ai retrouvé un texte de Bruno
Chenu dans ses archives où il écrit : «L'urgence est de pister la présence du
Christ serviteur souffrant et de le rejoindre au lieu où il nous parle : dans
la communauté des déshérités» (Br. Chenu, «Naissance d'une théologie
politique», texte inédit, Archives Chenu, Juvisy).
Ces mots sont très importants
quand on réalise combien Bruno Chenu a été marqué par la notion de «trace»
puisée dans la philosophie de Levinas, tout comme la notion de visage. Je vous
renvoie à son livre La trace d'un visage. On peut se permettre d'écrire
que Bruno Chenu a approfondi sa foi au Christ en pistant sa présence dans les
chants des Noirs américains. Il n'a pas beaucoup écrit sur les effets qu'a
produit sa recherche théologique sur sa foi. En fait, il n'avait pas besoin de
l'écrire. Nous percevons assez aisément les traces de cette influence. On ne
peut pas s'attacher à une théologie modelée par une longue histoire d'esclavage
et d'humiliation sans être touché soi-même dans son être le plus profond, dans
son être théologal. On ne peut pas travailler une théologie plus proche du
Vendredi saint que du dimanche de Pâques, sans approfondir soi-même et pour
soi-même une théologie de la Croix. Je crois que cette «option préférentielle»
pour les Noirs a renforcé en lui la conviction que Dieu a définitivement pris
le parti pour les écrasés et les opprimés.
En se rendant pour la première
fois aux États-Unis en 1970, Bruno Chenu a été plongé «dans l'univers religieux
des Africains américains». Le choc a été si puissant qu'il avait décidé cette
même année qu'il devait consacrer ses énergies à une recherche plus profonde.
Bruno Chenu peut lui-même écrire :
«Car le Nazaréen a souffert dans sa chair, comme eux, la condition de banni et
d'exclu, jusqu'à être exécuté sur une croix. Une identification mutuelle
extraordinaire s'est dès lors créée entre le Christ et l'esclave : par sa
Passion, le Christ est proche de l'esclave qui souffre des mauvais traitements
de ses maîtres. L'esclave, lui, cherche à vivre intimement la présence de Jésus
dans les champs de coton du sud des États-Unis où il trime sous le fouet. La
Passion du Christ est aussi celle de l'esclave» (16).
La prière qui appelle au secours,
la plainte de tant de souffrances comme l'émerveillement d'être dans la main de
Dieu se disent par une identification spontanée, toute naturelle, aux
personnages et aux situations bibliques.
B. Chenu commente : «Christ est
mort pour chacun, personnellement. Dès lors, le christianisme offre une
explication à la souffrance à travers la figure du Christ qui ne se trouve pas
dans les religions africaines. Il permet d'intégrer le négatif de l'histoire
dans une dynamique de libération, celle de l'Exode» (17).
Une prise de conscience s'est
effectuée chez un certain nombre de chrétiens que l'on peut baliser ainsi : la
souffrance assumée par le Christ ouvre pour l'esclave un chemin d'espérance.
Même si la résurrection n'occupe pas l'essentiel des thèmes des Negro
Spirituals, elle est le point culminant de la solidarité de Dieu avec
l'innocent injustement condamné. Elle est aussi le symbole de la libération
ultime : «L'ange a roulé la pierre!» ("The Angel Roll The Stone Away").
Et le peuple noir acquiert ainsi la certitude qu'il ne demeurera pas
éternellement dans le tombeau de l'esclavage...
Conclusion : au cœur de l'Église
pour s'occuper de ceux qui sont à la marge !
«Désormais, écrit Bruno Chenu, pour connaître le peuple noir américain, il
faut connaître ses chants religieux. Ils sont les psaumes d'un peuple en exil
qui se lamente, qui implore, qui loue, qui remercie son Dieu au milieu de son
dur combat. Ils sont l'espace libéré d'un peuple opprimé qui refuse à tout
jamais d'enchaîner son cœur. Une fois de plus, ils prouvent que l'on peut
lacérer le corps mais qu'on ne peut détruire l'âme. Ils sont une Bible mise en
musique par des gens illettrés, mais burinés et purifiés par l'épreuve. Ils
sont la revanche de l'humanité quand on croit l'avoir ravalée plus bas que
terre. Ils sont l'armure spirituelle d'un peuple meurtri mais jamais désespéré.
Et ils ne prêchent pas une doctrine mais racontent une histoire simple,
édifiante, exemplaire. À travers eux, c'est toute une communauté qui affirme
son existence devant Dieu et devant les hommes» (p. 167).
Il me semble que cela correspond à
la trajectoire même de la vie de Bruno Chenu. En 2001, Bayard publiait un livre
intitulé Les défis de l'Église au XXIe siècle. Il s'agit d'un
collectif où la question suivante est posée à des grands témoins, théologiens
et hommes spirituels ayant marqué le XXe siècle : "Quelle est
la question la plus importante pour le XXIe siècle ?« Voici comment
l'un d'eux, le théologien dominicain Belge Edward Schillebeeckx, répondait : « Pour
moi, le problème crucial qui continue de se poser à l'aube de ce XXIe
siècle est la réalité des gens qui sont menacés et qui souffrent dans leur
personne. Les hommes souffrent à cause de la maladie, de l'injustice sociale,
du mal qu'ils se font réciproquement et comme on l'a vu par le passé, ils ont
connu l'holocauste massif incroyable et de nombreuses formes de génocides se
perpétuent. Cette réalité est grave et me place devant le problème de la nature
du rapport qu'il peut y avoir entre l'humanité qui souffre et l'Église"
(19).
___________________________
On peut consulter la bibliothèque
laissée par Bruno Chenu à la bibliothèque de Valpré. Nous signalons
également que les archives personnelles de Bruno Chenu (plus de 1600 dossiers)
sont en voie de classification à la communauté assomptionniste de
Juvisy-sur-Orge (91)
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